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Editorial

        L'enseignement scientifique est malade

Novembre 2013

       Non l'enseignement en France ne se porte pas bien du tout, et l'enseignement des sciences est dans un état encore plus préoccupant.

Depuis des mois (et mêmes des années), le sujet éducatif qui fait le buzz concerne la modification ddes rythmes scolaires. Chacun peut y aller de son avis, nul besoin d'être spécialiste de quoi que ce soit pour prétendre avoir une opinion éclairée. Les parents, les enseignants, les ministres, les journalistes, les maires... tous se pourfendent joyeusement à ce propos alors que jamais, les problèmes de l'enseignement ne seront réglés de cette manière: non, le décicit de formation des jeunes ne vient pas de rythmes scolaires inadaptés. Le vrai problème est situé dans les contenus même de l'enseignement.

Parlons un peu des sciences justement... Au collège déjà, un "diplôme" a été rétabli: le "Diplôme National du Brevet des Collèges". Les majuscules sont importantes et révèlent bien la haute estime dans laquelle les décideurs tiennent cet examen. Que contient ce diplôme? Une grande parti de la note finale est constituée du contrôle continu effectué toute l'année par les enseignants. Plus, une épreuve de français, une de maths et une d'histoire-géographie. Il n'y a pas à se plaindre, c'est ce qui est qualifié de socle commun de connaissances. Ah... vous avez remarqué? Il n'y a pas de sciences là-dedans, étonnant. Plus drôle encore, afin de moderniser cet examen, une nouvelle épreuve a été ajoutée, cette de l'histoire des arts.Il n'est pas du tout anormal que ce thème soit enseigné, mais de là à, d'une part le transformer en une discipline à part entière, et d'autre part, en faire une épreuve finale d'un examen national, et ainsi la faire entrer dans le prestigieux pôle du "socle commun", alors que la science n'en fait pas partie est assez troublant.

Au lycée, des choses aussi ont changé, très récemment: depuis 2010 a été mise en place une réforme des programmes au lycée. Ceux de sciences n'y ont pas échappé bien sûr. Pour eux, c'était assez simple, il fallait améliorer le score de la France aux tests internationaux PISA. Ceux-ci, d'un point de vue strictement scientifique, seraient assez discutables, et rarement discutés, mais passons. Il faut augmenter le nombre de scientifiques nous disent les décideurs. Très bien, faisons ça. Etape numéro un: supprimons des heures de sciences.

Vous percevez la logique de l'affaire? Après réforme, un élève intéressé par les sciences, et voulant en faire un maximum aux cours des 3 années de seconde, première et terminale, fait en tout 144 heures de sciences en moins qu'avant la réforme: c'est sûr, il sera plus performant dans l'enseignement supérieur...

Mais ce n'est pas tout, les contenus même ont été modifiés: en bien? C'est très discutable. Voyons quelques exemples:

En seconde, la physique perd son caractère universel, et les vrais héros deviennent les médicaments et les sportifs. Si on peut faire un peu de physique en parlant d'eux c'est très bien, mais ce n'est plus vraiment le but. Pour la première fois, on dicte aux profs la pédagogie permettant de faire passer les idées, alors qu'avant réforme, on lui indiquait les idées à faire passer, libre à lui de trouver des moyens attractifs pour les aborder. On ne fait plus confiance aux profs, voilà un des gros problèmes de cette réforme.

La mécanique disparait presque complètement en seconde et première. En seconde, cela se résume en une phrase en schématisant: "si un objet ne subit rien de la part de l'extérieur, il continue comme avant". C'est beau la physique. Et bien sûr, surtout, ne pas dessiner de vecteur, c'est beaucoup trop compliqué. Comme en terminale, quelqu'un s'est aperçu que les élèves n'avaient jamais fait de mécanique, alors, elle déboule en intégralité sur nos pauvres futurs étudiants: quantité de mouvement, travaux des forces, principe fondamental de la dynamique, gravitation. Sans que personne ne se soit renu compte que le morceau sur les travaux était totalement découplé du reste, sans aucune application,on s'en tient à des définitions creuses. Et lors de la réunion de la commission des programmes, un intervenant a dû en fin de journée lever le doigt pour demander "Et la relativité restreinte?..." Aaaarh... Oui bien sûr ajoutons là, ça rendra le programme plus "tendance". Surtout que les applications concrêtes et quotidiennes sont légions... Vous trouvez? Non? Le GPS peut-être? Même pas, puisque les corrections apportées à son fonctionnement suivent bien plus la relativité générale que la restreinte. Tant pis, on garde...

...Surtout qu'en terminale, il faut encore ajouter la diffraction, les interférences, la spectroscopie infra-rouge, la RMN, le principe du LASER, les acides, les bases, les réactions limitées, les mécanismes réactionnels, la conversion analogique numérique, les ondes... Et si certaines applications pouvaient être faites en anglais, ce serait mieux...

Mais finalement, tout ça pour quoi? Quelles compétences essentielles sont attendues de la part des élèves? UNE SEULE: Extraire et exploiter des informations. Le mot "information" revient 37 fois dans le programme officiel de physique de terminale en série scientifique. Est-ce vraiment ça que l'on attend de futurs scientifiques? On n'attend pas de développement de son esprit critique? De son imagination? De sa capacité de raisonnement logique?, de sa maîtrise des liens causaux? de sa capacité à mathématiser une situation afin d'en étendre le champ de prédiction?... Non, tout cela devient accessoire. Le futur scientifique devient trieur et compileur d'informations. Je ne sais pas pour vous, mais cela me rend un peu nauséeux...

Et ce n'est même pas tout... Un des fondements de la physique contemporaine, l'outil de base qui permet de prédire les évolutions des phénomènes, de développer des modèles, d'exploiter leurs possibilités concrêtes, c'est à dire l'équation différentielle, est purement et simplement éliminé des programmes tant de physique que de mathématiques. Et je n'ose même plus aborder le fait que les programmes de maths et de physique deviennent inconciliables entre eux, puisque par exemple, des commentaires du programme de maths préconisent de faire le lien avec certains thèmes de physique (notamment en radioactivité), qui ne sont plus au programme de physique.

J'ignore comment ont été conçus ces programmes, mais ce qui saute aux yeux c'est leur absence totale de cohérence interne, leur contenu superficiel et décousu, leur ignorance des compétences de raisonnement logique des élèves, et leur mépris des capacités pédagogiques des enseignants. C'est beaucoup, et c'est très grave.

Alors que faire, à part râler contre l'incompétence des décideurs? Peut-être faire des suggestions comme des créer des commissions des programmes où des enseignants du secondaire et du supérieur interviennent, et non pas des spécialistes de la communication ou de la pédagogie. Et surtout, réfléchir à une continuité logique des apprentissages, au moins entre la classe de seconde et celle de terminale.

Une idée de progression en physique?

Projet programme de physique, secondaire

Pour chacun de ces sujets, liberté serait laissée au professeur de choisir la manière de faire passer les connaissances, en donnant la priorité à l'expérimentation, aux exemples tirés de la vie quotidienne et au questionnement scientifique. Bien sûr, les élèves devront être mis le plus souvent possible en situation de recherche, sans que cela s'oriente sur des compilations d'informations trouvées sur le net. Des groupes d'enseignants pourraient se constituer afin d'établir des bases d'idées de traitement de ces sujets, en cherchant à les rendre attractifs, mais méthodologiquement rigoureux.

Heureusement, il y a de bonnes choses dans le système actuel. C'est le cas des TPE (Travaux personnels encadrés), qui sont des situations de recherches pratiquées par les élèves en petits groupes, qui les mettent en véritable situation de recherche scientifique. Ceux-ci devraient être prolongés en classe de terminale, alors que les élèves ont acquis un bagage de culture plus conséquent.

Une partie de l'épreuve du bac, en terminale, est expérimentale: c'est une très bonne chose, mais cette partie laisse actuellement bien trop peu de place à l'imagination et à l'autonomie des élèves, c'est à améliorer.

Rêvons un peu qu'un jour, un des concepteurs de programmes puisse s'inspirer de ces réflexions. Et surtout qu'un jour, la liberté pédagogique soit redonnée aux enseignants, qui sauront faire preuve d'imagination, et n'auront plus à rentrer dans le moule étroit que cherchent à leur forger les spécialistes des "sciences" de l'éducation.

PhB

 

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