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        Comment reconnaître un solide d'un liquide?

        J'en vois certains qui ricanent, et qui se disent que Robert commence à vieillir quelque peu s'il ne peut plus distinguer un solide d'un liquide... En effet, dès l'école primaire, on fait l'inventaire des différences entre le comportement de l'eau (THE liquide...) et d'un caillou par exemple. Mais la nature possède un certain sens de l'humour, parfois révélé aux heureux élus choisis pour leur patience de menhir.

        L'une des plus anciennes expériences de physique actuellement en cours, et inscrite pour cette raison dans le Guinness Book s'intitule "The pitch drop experiment". (deux autres sont en réalité encore plus anciennes, l'horloge électrique d'Oxford et l'horloge Néo-Zélandaise de Beverly...). Cela se passe à l'université de Queensland, en Australie. Ne soyez pas impatients, je vous raconte tout ça:

© Université du Queensland
      Le matériau utilisé est un bitume, donc tout noir, aux facettes luisantes. Il est cassant comme du verre, et un coup de marteau le fait voler en éclat. Solide ou liquide? Toute la classe lève le doigt: c'est l'unanimité pour "solide".

 

       

© Université du Queensland
         En 1927, ce bloc de bitume a été placé dans un entonnoir fermé. Son col d'écoulement fût ouvert en 1930. Et il s'est mis à couler... 1ère goutte tombée en... 1938. Tous les 8 ou 9 ans une nouvelle goutte choit, mais le ryhtme semble se ralentir(1947, 54, 62, 70, 79, 88, 2000 et 2014...). Alors? Solide ou liquide?: les doigts se font hésitants, mais bon, il faut le tenter: "liquide?..." En avril 2014, la 9ème goutte est enfin tombée... Si vous voulez, vous pouvez observer en direct la formation de la goutte (la 10ème), et peut-être faire partie des chanceux qui la verront tomber, dans une quanzaine d'années, mais il vaut mieux se tenir prêt. Ce film se déroule à un rythme effréné, tous les 10 ans à 15 ans, il se passe quelque chose!...

 

        Un côté rigolo de l'affaire est que personne n'avait encore jamais vu tomber la goutte avant 2014. Une webcam avait été mise en place pour celle de 2000, mais, pas de chance, elle est tombée en panne juste avant l'évènement fatidique. Ceci dit, en 2014, la webcam fonctionnait bien, mais au rythme de prise de vue, la goutte est tombée entre 2 captures, vous pouvez voir au moins ici, ce qui se passe juste avant... Comparé à notre goutte, le monstre du Loch Ness est un véritable exhibitionniste.

        On commence à s'apercevoir que le problème, à savoir la distinction entre solide et liquide, est peut-être plus subtil qu'il en a l'air. Bien sûr, la température joue un rôle dans l'affaire, mais à température donnée, force est de constater qu'il n'est pas toujours aisé de déterminer l'état d'un matériau. Curieusement, la durée de l'observation intervient: observé quelques secondes, et ce morceau de bitume est clairement un solide. Mais sur des années, c'est un liquide. Pensez à ce que donnerait un film constitué d'une image prise par an, et montré à la vitesse de défilement d'une image par seconde: toutes les 10s, une goutte tombe au fond du verre, c'est donc bien liquide... Au contraire, si l'on filmait l'écoulement d'un verre d'eau à 10 millions d'images par seconde et qu'on le repassait à une image par seconde, notre "fluide" semblerait bien figé à l'état solide.

        Evidemment, il est sans doute possible de redéfinir nos deux états à partir de paramètres plus fins: structure moléculaire, énergies de liaisons intermoléculaires ou autres... Mais ne retomberait-on pas dans un système de classification plus précis, certes, mais tout aussi artificiel?

        Le problème de dénomination tient essentiellement à notre habitude dichotomique de décrire le monde. On range les objets et les phénomènes par catégories, en tentant d'abord de les placer dans des classeurs à deux compartiments, que l'on partage en deux à nouveau si nécessaire... Mais la nature n'a pas l'air d'être à l'aise dans des systèmes de classification trop rigides, et il n'est pas impossible que nous passions à côté de certaines découvertes simplement parce l'on ne pense pas à regarder dans le tiroir d'a côté. C'est nous qui inventons les cloisons, la réalité elle, nous montre trop souvent que les frontières sont illusoires.

 

© Université du Queensland

  Sur cette image, la 6ème goutte (celle de 1979) vient de tomber!...

"Pitch drop experiment": Queensland University

Grand merci au professeur John S Mainstone, de cette même université.