Editorial
Huygens sur Titan? Mais qu'est-ce que ça a de si extraordinaire? |
Janvier-Février 2005 |
Une sonde de 300kg se pose sur une lune de Saturne, congelée à -200°C. C'est le sol foulé par une technologie humaine le plus lointain qui soit à l'heure actuelle: plus d'un milliard de kilomètres, plus d'une heure de trajet pour les ondes radio alors qu'elle ne mettent qu'une seconde à aller sur la Lune. Et l'engin est parfaitement fonctionnel, fait tous les enregistrements prévus, dure même plus longtemps que ne l'espéraient les concepteurs du cahier des charges, après plus de 7 années de voyage dans l'espace, dont un décollage à faire tomber toutes les feuilles d'un prunier, soumis au vide, aux radiations destructrices, aux hautes températures du voisinage de Vénus, et à celles des parages saturniens, si basses que les pôles de la Terre en semblent tropicaux... Et dire que mon frigo tout neuf était en panne au bout de 6 mois, alors qu'il a été transporté bien droit avec toutes les précautions d'usage sur une distance de 5 km...
Et c'est aussi 15 années de conception de fabrication et de tests. C'est 7 années de voyage. C'est 4 heures de transmission de données... Et des années de dépouillements des informations.
On vit dans un monde d'instantanéité. Lorsqu'un évènement a lieu sur Terre, l'information peut-être reçue dans l'heure qui suit partout dans le monde. Tous les projets se doivent d'avoir des retombées quasi immédiates, les hommes politiques bâtissent des programmes qui doivent porter leurs fruits avant la fin de leurs mandats.
Mais quelques fous ont encore le courage de lancer des projets sur le long terme. Comme les constructeurs de cathédrales, des années leurs sont nécessaires afin d'aboutir à une oeuvre qui s'achève en un bref éclat de lumière sur un vitrail, qu'il faudra à nouveau des années afin d'en méditer tout le sens.
PhB