Editorial
Ondes gravitationnelles, retour sur une aventure scientifique historique |
Février 2018 |
En octobre 2017, Rainer Weiss, Barry C.Barish et Kip S.Thorne obtiennent le prix Nobel de Physique pour la découverte expérimentale des ondes gravitationnelles. Comme toujours l'évènement est assez discrêtement relayé par les médias, qui passent alors à côté d'une découverte véritablement historique.
Einstein ouvre le bal en 1916: pour lui, la force de gravitation qu'a inventé Newton pour expliquer l'attraction de la Lune par la Terre, n'existe pas. Il la remplace par une déformation de l'espace autour de la Terre, qui oblige la Lune à suivre une trajectoire fermée, à l'intérieur de la petite cuvette spatiale creusée par notre planète.
Cette théorie explique très bien les mouvements des planètes autour du Soleil, y compris les petites fantaisies de Mercure, qui elles résistaient à la théorie de Newton. Mais en conséquence, la rotation d'un objet autour d'un autre doit donner naissance à des ondes qui s'étendent en spirale, comme celles que l'on crée avec un bâton dont on fait tournoyer la pointe dans l'eau. Cette onde est une onde d'espace (la 3ème catégorie après les ondes mécaniques et les ondes électromagnétiques apprises dans le secondaire).
Mais même Einstein ne croyait pas trop à la possibilité de leur détection, tant elles devaient être subtiles et discrêtes... C'est bien sûr en réalisant des choses impossibles qu'on peut entrer dans l'histoire...
Le 14 septembre 2015, l'incroyable survient! Deux interféromètres américains, du réseau LIGO détectent pour la première fois dans l'histoire de l'humanité, la collision de deux trous- noirs, grâce aux vagues d'espace créées par leur effondrement. Ces deux détecteurs fonctionnent en faisant interférer deux faisceaux LASER ayant suivi des chemins à 90° l'un de l'autre. Si l'un des deux chemins change de longueur, des changements dans la figure d'interférence apparaissent. La sensibilité est inconcevable, une variation de longueur de 1/10000ème de la taille d'un proton peut être détectée...
Voici l'un des deux interféromètres américain, où l'on voit les deux branches de 4km, dans lesquelles circule le LASER, dans un vide très poussé. Comme il n'y a que deux interféromètres en fonctionnement, la localisation de la source par triangulation est fort imprécise. Un troisième interféromètre, VIRGO, en Italie, est alors en maintenance et donc hors service: dommage.
Mais l'histoire ne s'arrête pas là.
Le 14 août 2017, une impulsion d'ondes gravitationnelles est détectée cette fois par les trois interféromètres. A peine trois jours plus tard, le 17 août, nouvelle détection par les trois instruments. Mais cette fois, la source est différente, il s'agit de la collision de deux étoiles à neutrons. La localisation est aussi plus précise:
Et là les choses s'enchaînent. Le telescope orbital Fermi détecte un sursaut gamma 2s plus tard, et le localise. Puis c'est au tour du SWOPE télescope, au Chili, de découvrir 11h plus tard l'évènement dans le domaine du visible.
Curieusement, aucune détection de rayons X n'est réalisée, alors que la lumière visible et les rayons gammas sont présents. Un théoricien suggère que l'onde de choc de la collision n'interagit avec la matière interstellaire qu'à retardement, car elle a un peu de trajet à parcourir avant de l'atteindre. Et en effet, 9 jours plus tard, le télescope orbital Chandra détecte un sursaut X.
Et enfin, 16 jours après l'évènement, le radiotelescope géant VLA enregistre à son tour les émissions radio de la collision...
C'est donc bien une exceptionnelle aventure, qui a coordonné des centaines de scientifiques dans le monde entier, à travers l'espace, mais aussi à travers le temps...
PhB