Editorial
Quelles sont les lois de la nature ? |
Mai 2006 |
Il est probable que votre scolarité a été (ou est encore) marquée, en physique, par de grandes lois gravées dans le marbre des connaissances universelles: souvenez vous de la loi d’Ohm, de celle de Descartes, de la loi de chute des corps ou de celle de Newton, ou bien encore de celles de Jurin ou Planck…
Elles portent en général les noms des phénomènes qui leurs sont soumis, ou de leurs découvreurs. A quelques exceptions du moins, puisque par exemple Descartes n’est qu’un bien pâle plagiaire du véritable découvreur : Snell.
Il y a donc les Lois des Hommes et celles de la Nature. D’après la plupart des scientifiques « standards », la Nature est ses phénomènes sont soumis à ces règles dont elles ne s’écartent pas.
En quoi consistent ces Lois ? Ce sont des expressions mathématiques qui contiennent à la fois des paramètres influençant le phénomène, et des paramètres qui le décrivent. Pour la loi de la réfraction de Snell, l’expression décrit la déviation d’un rayon lumineux qui change de milieu : elle contient donc l’angle d’incidence de ce rayon sur la frontière entre les deux milieux, et permet de prévoir la façon dont il va être réfracté, selon les indices des deux milieux (paramètres influents). Les fonctions mathématiques qu’utilise cette règle sont toutes simples, ce qui est déjà étonnant en soi. Einstein trouvait lui aussi surprenant que l’Univers soit compréhensible…
Les humains se sont donc choisi un nouveau métier : juriste naturaliste. Ne manque qu’un détail, la sanction qui punira le rayon de lumière distrait qui ne se plierait pas à cette loi incontournable, ou qui ferait semblant de ne pas savoir. Mais aucun rayon n’est censé ignorer la loi. Je ne sais pas si quelques photons ont déjà été pris en flagrant délit, mais à leur place, je me méfierais…
Comme on le voit, la prétention de certains scientifiques n’a d’égal que leur myopie.
Une des lois de Kepler nous dit que les planètes suivent des orbites elliptiques autour du Soleil. Le problème, c’est qu’aucune planète du système solaire ne fait ça. Elles se perturbent toutes les unes les autres, et le résultat final est que vues de loin par temps brumeux, les orbites planétaires ressemblent à des ellipses. En fait, elles seraient elliptiques si l’Univers ne contenait que deux objets : un Soleil et une planète. Ce qui réduit légèrement le foisonnement luxuriant des astres visibles par une belle nuit étoilée…
Donc, les lois inventées par les hommes dans l’espoir que la Nature s’y plie sont sans arrêt transgressées. Ces lois, il faut s’y résoudre, n’existent pas. Il n’y a que des comportements dont les paramètres suivent, de façon approximative, certaines fonctions mathématiques.
Vu de loin, si vous avez mauvaise vue, un sapin isolé ressemble à un cône, décrit par une fonction mathématique toute simple. Mais au fur et à mesure que vous en approcherez et que votre vision s’améliorera, vous percevrez des détails qui vont rompre le bel ordonnancement imaginé initialement: des branches, des rameaux, des aiguilles… Tout cela n’était pas prévu par le modèle descriptif originel, il faut alors le perfectionner, pour qu’apparaissent tous les accessoires d’un sapin digne de ce nom. De la même façon, les modèles décrivant les phénomènes physiques évoluent, commencent par de grandes lignes harmonieuses et simples, puis se complexifient. Ce qui tendrait à faire penser que la recherche du modèle unifiant toutes les lois de la physique n’est pas forcément une fin en soit. Qu’est-ce qui nous dit que la Nature devrait se comporter comme le prévoient les fonctions mathématiques? Rien: il n’est donc pas du tout certain que l’Univers soit compréhensible, nous en avons simplement l’impression parce que nos moyens d’investigation sont encore trop rudimentaires, notre myopie n’est pas encore corrigée.
Ne vous méprenez pas, je ne suis pas en train d’expliquer que le travail du physicien est vain puisqu’il est fort possible que la Nature n’évolue pas comme certains idéaux mathématiques. Le but n’est pas de se poser en maître et inventeur des Lois de l’Univers, mais plutôt de trouver un modèle descriptif, forcément approximatif, capable par ses conséquences de ne pas se contredire (c’est la moindre des choses…), et d’avoir l’éventail de prédictions le plus vaste possible, tout en ayant besoin d’un minimum raisonnable de paramètres ad hoc. Le but est de détecter de l’ordre dans le chaos : il n’est pas plus faux de dire que les orbites de planètes sont des cercles que de dire que ce sont des ellipses : tout dépend du degré de précision prévisionnel recherché. Il n’est pas forcément choquant de prétendre que la Terre est une sphère, même si une meilleure approximation la dessine comme étant aplatie aux pôles, et possédant quelques légers défauts, comme l’Himalaya et la grande fosse du Pacifique…
L'esprit humain semble être conditionné à détecter les régularités et répétitivités de la nature, mais par là même, peut être sommes nous contraints à ne comprendre que la partie émergée de l'iceberg. Et si nous étions en train de chercher les clefs de l'Univers à la lumière du seul réverbère de notre logique humaine?...
PhB