Editorial

              Si vous êtes l'un des derniers à ne pas le savoir, voici le scoop: le 8 juin, toute la matinée, Vénus passe devant le disque du Soleil...

               Fascinant direz-vous, mais bon, à part un petit point noir qui met des heures à traverser le disque solaire, qu'est-ce que cela a de si extraordinaire?

                Et bien, on pourrait citer la rareté du phénomène pour commencer? Certes, ce n'est pas un critère suffisant. Si l'on vous annonçait que la fourmi à antennes coudées que vous voyez là, tout près de votre pied, est le seul exemplaire vivant du département, peut-être écarterez-vous poliment votre chaussure, mais sans plus. A moins que vous ne soyez vous-même le seul spécialiste au monde des fourmis à antennes coudées. Tout de même, le dernier transit de Vénus (oui, ça s'appelle comme ça, désolé) a eu lieu il y a 122 ans. Plus aucun être humain vivant ne peut se vanter de l'avoir vu. Donc, respect...

                Hum, tentons l'intérêt scientifique de l'observation? En effet, ce transit est resté longtemps le meilleur moyen d'estimer la distance Terre-Soleil. Mais depuis, sondes, radiotélescopes, horloges atomiques et autres se sont chargés de remiser la méthode dans l'armoire des idées intelligentes, mais dépassées dans leur précision, à côté de la méthode d'Eratosthène de la mesure du rayon de la Terre et du clepsydre pour la mesure des durées... A part l'intérêt pédagogique de la technique, intimement lié au masochisme des calculs, il est difficile de trouver un argument recevable.

                Finalement, c'est encore la simple et humaine curiosité qui fait que des millions d'observateurs regarderont ce passage. Peut-être auront-ils alors une petite pensée pour les Le Gentil, Chappe, Pingré et autres qui pour la plupart y laissèrent leur santé ou même leur vie au XVIIIème siècle, dans le seul but de connaître un peu mieux le système solaire et ses dimensions. Peut-être vous aussi serez-vous émus en observant ce lent déplacement, qui mieux que tout autre vous fera prendre conscience des révolutions séculaires des planètes, ainsi que des labeurs et des peines des hommes et des femmes qui n'avaient pour simple ambition que de mieux comprendre notre monde.

                  Alors, mardi 8 juin, si le temps le permet, remettez la main sur vos vielles lunettes à éclipse, ou mieux, une lunette à utiliser en projection si vous avez, ou bien encore rapprochez-vous d'une club d'amateurs. Mais jetez-y un oeil. Ce ne sera pas le grand spectacle d'une éclipse totale de Soleil, ce ne sera qu'un modeste alignement, mais tellement riche en émotions si vous revivez à cet instant les périlleux voyages des anciens, ou si vous imaginez tous les observateurs contemporains, tournés au même moment dans la même direction, faisant les mêmes rêves...

Rendez-vous ici pour en savoir plus: Vénus 2004

PhB

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