Editorial
Des questions resteront-elles sans réponses? |
Septembre 2004 |
L’une des raisons qui ont favorisé la naissance de Robert, a été de se trouver en présence de questions d’enfants (ou autres) du style « Pourquoi est-ce que la Terre est ronde ?... Pourquoi est-ce que le ciel est bleu ?... », et surtout d’entendre des réponses du genre « C’est parce que c’est comme ça… ».
Cette réponse, on nous l’a tous déjà faite, et c’est une des plus énervantes à recevoir. Elle suppose que Mère Nature, en créant la Terre, avait toutes sortes de choix possibles pour sa forme : On aurait pu se trouver avec une Terre cubique, plate peut-être même encore plus ridicule. Mais par hasard, ou bien grâce à l’infinie sagesse de la Nature, on se retrouve à tourner en rond sur une boule de billard. Donc, pas de raison possible, ou bien aucune qui soit accessible au commun des mortels. Une sorte d’agnosticisme scientifique en quelque sorte.
Le problème est donc réglé…
On sait maintenant, que ce type de question amène une réponse qui s’inscrit dans une logique du modèle de description de l’Univers qu’a inventé la Physique. Comprenez la gravitation, et vous trouverez des raisons à la rotondité terrestre, qui vous feront par la même occasion rejeter les cubes et scoubidous divers.
Finalement, c’est très rassurant de trouver des liens causaux cohérents avec les observations que l’on peut faire de notre monde. Lorsqu’une observation ne cadre plus avec le modèle, on en cherche un meilleurs. Mais c’est un problème dont on a déjà causé…
Ceci dit, si on demande maintenant pourquoi la charge de l’électron est de 1,6.10-19 coulomb ? Ou pourquoi la vitesse de la lumière dans le vide est d’environ 300000 km/s ? Hum ?... Qu’est-ce qu’il dit le physicien qui sait tout ? Ah, il fait moins le malin cette fois… Et sur ces lèvres exsangues, je vois se formuler la réponse humiliante entre toutes : « C’est parce que c’est comme ça… » Tout ça est-il bien raisonnable ? C’est peut-être tout simplement une manière de formuler une absence de réponse actuelle. Ce qui serait somme toute bien naturel et humain. Surtout si l’on a le secret espoir que les générations futures règleront ces détails avec des explications d’une merveilleuse élégance.
C’est vrai que ces temps-ci, de nombreux cerveaux cherchent une théorie du « tout », qui unifieraient les modèles actuels (quantique et relativiste notamment) et qui, pour le même prix, donnerait les valeurs des « constantes » de la nature. Et ils pourraient bien réussir. Mais ce n’est pas si sûr que ça.
En effet, il n’est pas interdit de penser que notre Univers (grâce à Mère Nature probablement) ait fixé ses constantes de façon aléatoires. La charge de l’électron vaut par hasard 1,6.10-19 coulomb, et il aurait pu en être autrement. Ce qui ne veut pas dire que toutes les valeurs étaient « supportables ». En effet, par exemple, la vie terrestre est conditionnée par des réactions chimiques. Modifiez la charge de l’électron, et les interactions moléculaires seront modifiées. La subtilité des réactions biochimiques n’y résisterait pas, si tant est que même les grandes molécules organiques puissent exister…
Donc, en fait, il fort probable que certaines questions, au niveau fondamental, n’aient pas d’autre réponse que « c’est comme ça… ». Terriblement frustrant non ?
PhB