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Editorial

        Faire de la science en primaire?...
Septembre 2007

Comme les éditoriaux ne me servent guère qu'à ça: râler, autant en profiter. C'est la rentrée des classes, alors je me suis plongé dans les programmes de sciences du cycle 3, au primaire (CE2, CM1, CM2), en France. Je suis déçu, pas de trace de créationnisme ni de propagande sur les médecines parallèles, c'est en fait d'une platitude Euclidienne.

Néanmoins, quelques petites touches ont réveillé la poignée de synapses rebelles qui me donnent une apparence encore vaguement humaine:

Tout d'abord, le texte introductif officiel de la haute administration de l'Education Nationale:

"Il [l'enseignement des sciences et de la technologie] prépare ces derniers [les élèves] à s'orienter plus librement dans des sociétés où les objets techniques jouent un rôle majeur et à reconnaître les bienfaits que nous devons à la science."

Alors là, je dis bravo: on nage en plein XIX siècle, avec les bienfaits de la Science et de la Fée Electricité. En fait, cette phrase me fait peur sous deux aspects: Soit elle est faite pour gommer la capacité de réflexion des élèves en niant les utilisations dangereuses que l'on peut faire de la science, soit le ministère lui-même est tellement persuadé des effets pernicieux de la science qu'il tente de se convaincre lui-même qu'elle a parfois un rôle utile*...

Ensuite, le programme lui-même, avec quelques exemples choisis:

1 - La matière
Le principal objectif est de consolider la connaissance de la matière et de sa conservation :
- états et changements d'état de l'eau ;
- mélanges et solutions ;
- l'air, son caractère pesant ;
- plan horizontal, vertical : intérêt dans quelques dispositifs techniques.

Passons rapidement sur le quatrième point... Je ne parviens pas vraiment à percevoir un lien profond entre la matière et les plans, qu'ils soient horizontaux ou verticaux. On me dira probablement que l'horizontale peut se définir par un plan d'eau dans une bassine; eau = matière... Donc, tout est normal. Deux autres points me semblent peut-être assez curieux:

On veut parler de matière. On prend donc l'exemple de l'eau, on étudie ses changements d'état. Un grand classique, mais qui curieusement, même pour un adulte, recèle encore de nombreuses incompréhensions. C'est d'ailleurs pour cela que l'eau est un sujet de prédilection chez "Robert". C'est vrai, l'eau est un matériau abondant, pas trop cher, et facile à modifier du point de vue de son état. Cependant, c'est le seul qui soit rencontré en primaire, ce qui en fait le prototype de tous les matériaux, et renforce même l'égalité dangereuse "eau = liquide", puisque les autres états de l'eau portent des noms différents (glace et vapeur pour ceux qui auraient du mal à suivre). De plus, l'eau est très particulière, le fait que son solide soit moins dense que le liquide en fait une exception, qui risque d'être fortuitement généralisée. Il pourrait être intéressant d'expérimenter en parrallèle sur d'autres matériaux comme la cire, le plomb, le butane (avec bien sûr quelques précautions élémentaires), ou même l'huile...

Pour l'air, on a un peu le même problème: seul son caractère pesant est étudié. Les expériences décrites sur la plupart des sites traitant du sujet tournent autour d'une bouteille où l'on fait entrer de l'air comprimé, qui se trouve plus lourde que quand il y a moins d'air à l'intérieur. Conclusion, l'air est donc pesant. Conclusion juste, mais raisonnement faux... Si l'on fait entrer de l'hélium dans la bouteille, elle sera plus légère si elle est pesée dans les conditions habituelles (c'est à dire dans l'air, d'où la poussée d'Archimède). La conclusion serait-elle que l'hélium, lui, ne "pèse pas"? Ou qu'il y a une gravitation négative pour lui? Ou pire, que ce n'est pas de la matière?... Car le problème est bien là, pour l'eau comme pour l'air, le but était de parler de matière et non pas des propriétés spécifiques à ces deux matériaux. Un des grands rôles des sciences est de tenter d'unifier les observations, de faire émerger des points communs là où on ne perçoit au départ que des divergences. Ce n'est pas le fait que l'air soit pesant qui importe, mais plutôt que l'air soit un gaz, et qu'un gaz, c'est de la matière. Encore une fois, des comparaisons avec d'autres gaz seraient judicieuses: azote (bombe de dépoussiérant), butane (plus dense que l'air, et liquide dès 0°C), ou méthane (moins dense que l'air, et aucun de ces deux derniers gaz ne présente de danger et si on est dans une pièce aérée ou sous un préau, avec un minimum de jugeotte), hélium si possible (trouvable à pas très cher chez les vendeurs de matériel pour festivités)... Oui, il est préférable de parler de l'état gazeux (avec plusieurs exemples), plutôt que d'un gaz unique et particulier. Toujours le même but, extraire les points communs et non mettre en avant plan les particularités.

Tiens, une idée de progression: Les états solide et liquide; ils sont pesants; mesures de masses et de volumes; certains solides flottent, d'autres coulent; ceux qui coulent ne sont pas toujours les plus lourds; la masse se conserve lors du changement d'état (solide-liquide); la matière existe aussi dans un troisième état; il est logique de penser alors que l'état gaz est pesant aussi, comment le prouver?; et pour l'hélium alors, ou l'air chaud? (retour sur l'huile qui flotte dans l'eau, l'hélium flotte dans l'air, ça ne l'empêche donc pas d'être pesant); est-ce qu'on peut alors comprendre comment "volent" les montgolfières et la fumée d'un feu?...

Pour finir, je ne vois pas pourquoi il ne serait pas fait mention des molécules ou des atomes à l'école primaire. Comme si cette notion, aussi vieille que la notion de rotondité de la Terre était jugée trop complexe. Ca ne me semble personnellement pas plus compliqué que l'accord du verbe "avoir", ou les subtilités du complément d'objet direct. La plupart des enfants pratiquent les Legos, les matériaux sont bâtis de la même façon, à partir de briques élémentaires, peu nombreuses, mais dont les arrangements sont variables à l'infini. Des "atomes" en fait, au sens primordial du terme. Ce serait encore un moyen d'unifier de grands pans de connaissances, qui sans cela perdent de leur sens.

        PhB

*Curieusement, cette phrase n'est pas présente dans toutes les versions de programmes trouvées sur le net.

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