Pourquoi est-ce plus dur de localiser les sons aigus que les sons graves?
Je suis sûr que ça vous est déjà arrivé: on entend un son très aigu, au seuil de l'audibilité, et on cherche un peu désespérément à en localiser la source... Il nous semble un instant qu'il est là, puis ailleurs dès que l'on bouge la tête. Enervant...
Si vous n'en êtes pas convaincus, écoutez ces deux sons, en faisant pivoter votre tête:
Vous avez perçu la différence? Avez-vous ressenti ces fluctuations d'intensité qui rendent plus difficile la localisation de la source aiguë que de celle de la grave?...
Pour y comprendre quelque chose, il faut d'abord bien comprendre ce qu'est un son, puis comment on peut localiser leur source, et enfin pourquoi certains sons résistent à la localisation...
Qu'est-ce qu'un son? Je tape sur un tambour, sa peau se met à vibrer, elle met en mouvement la tranche d'air qui est à son contact, qui fait bouger celle qui est côté, et ainsi de suite. Une onde de compression de l'air se propage donc, jusqu'à notre oreille. Là, le phénomène inverse se produit: la tranche d'air au contact du tympan le fait vibrer, en rythme avec la vibration qu'avait la peau de tambour. Cette vibration est traduite en impulsions électriques jusqu'au cerveau, qui traduit: "Tiens, j'ai entendu comme un bruit..."
Les sons "purs" sont des oscillations régulières de la pression de l'air, les spécialistes parlent d'oscillations sinusoïdales. Tous les sons se propagent à la même vitesse dans l'air (environ 340 m/s), mais les sons aigus sont des vibrations plus rapides que les graves (leur fréquence est plus élevée).
Voici comment vibre un tympan quand il reçoit une note de musique:
Ondulation de la membrane du tympan en fonction du temps, quand elle reçoit une note à 440 Hz (un La, du 3ème octave, en bleu: 440 oscillations par seconde) et un son plus aigu à 1760 Hz(un La aussi, mais du 5ème octave, en rouge). |
Comment localise t-on un son maintenant? Il semble qu'au moins deux processus sont utilisés:
1/ Par atténuation: Quand le son vient de la droite, l'oreille de droite capte un son plus fort que l'oreille de gauche, simplement parce qu'entre les deux oreilles, il y a une tête qui, quoiqu'on en dise, absorbe légèrement les ondes sonores. Le cerveau, percevant une différence d'intensité entre les deux récepteurs, traduit: "Tiens, ça semble venir de la droite...". On affine la localisation en faisant de légers mouvements de la tête, puisque nos oreilles sont d'une mobilité un peu réduite, surtout par comparaison avec d'autres espèces animales...
2/ Par interférences: Un peu plus compliqué, mais, pour donner un exemple, imaginez que le son parvienne un peu plus tard à l'oreille gauche qu'à la droite. Si par exemple, la droite capte une forte pression (sommet de la vague), la gauche peut par exemple capter au même moment une forte dépression (creux de vague). Les deux infos sont conduites au même "analyseur", qui en fait la somme, et trouve une valeur nulle: les deux réceptions sont en "opposition de phase". En tournant légèrement la tête, il n'y aura plus le même décalage entre les deux oreilles, le résultat perçu semblera plus fort. Comme précédemment, le cerveau interprétera alors la direction estimée de la source en fonction des variations d'intensité sonore captées. Si on regarde vers la source, les deux oreilles vont capter des signaux en phase, leur somme sera d'amplitude maximum.
Et enfin pourquoi les sons aigus peuvent devenir difficiles à localiser? Nous avons une trop grosse tête... La méthode de localisation par interférence marche correctement si l'écart entre les deux oreilles est plus petit qu'une moitié de longueur d'onde du son. Si par exemple l'espace entre nos deux oreilles correspond à plusieurs longueurs d'ondes, alors, en pivotant notre tête, on aura plusieurs positions donnant des atténuations ou amplifications par interférences. On pourra donc avoir la sensation que la source se trouve à plusieurs endroits possibles, suivant l'orientation de notre tête...
Voici un son de relativement basse fréquence (f=800 Hz, sa longueur d'onde, la distance entre les deux points rouges sur la courbe, est de 42 cm environ). Quand notre nez est vers la source, les ondes perçues par les 2 oreilles sont en phase, on capte un maximum de signal. En tournant la tête lentement, l'intensité du signal perçu baisse, sans jamais devenir nulle (c'est ce que représente la courbe à droite)
Cette fois le son est plus aigu. Il a justement été représenté dans le cas où l'onde reçue par l'oreille gauche est en opposition de phase avec celle reçue par l'autre oreille. La perception théorique résultante est donc nulle (dans les faits, on continue à la percevoir à cause des réflexions sur objets du paysage, et aussi parce que les sons sont rarement purs, constitués d'une seule fréquence...)
Et pour finir, voici un son encore plus aigu (5000 Hz), donc de bien plus courte longueur d'onde, pour lequel on a plusieurs forts affaiblissement lors d'une rotation de la tête. Là, le cerveau est bien en peine de trancher sur la localisation de la source...Vous avez donc maintenant quelques idées sur les raisons des difficultés à trouver cette fichue montre qui sonne quelque part dans la maison. Mais les choses sont rendues encore plus compliquées par la forme même de notre oreille, dont les circonvolutions contribuent à provoquer réflexions et interférences à l'entrée des sons dans le conduit auditif. Rien n'est jamais aussi simple qu'il y paraît, mais en comprendre un petit morceau reste tout de même bien agréable...